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L'envers du vin

 

 

Alexandre Deletraz.

C'est ce vigneron qui ouvrira le bal de nos prochaines rencontres vigneronnes.

Quatre jours après être arrivés dans le Canton du valais notre première rencontre fût Alexandre Deletraz. C’est en se promenant dans le village de Sion après notre dure journée de vendange que Zoé reconnut le nom de sa cave sur un panneau d’indication routière :

 

La Cave des Amandiers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En reconnaissant son nom, Zoé m’a décrit la finesse de ces vins, du moins ceux qu’elle avait eu l’occasion de goûter lorsqu’elle travaillait à la cave des Vins Marcon. Pour moi, lorsque l’on retient un vin après plusieurs mois c’est qu’il réussit à toucher notre cœur.

 

Interpellé par ce signe du destin, nous voulions partir toquer à sa porte. C’est ce que l’on fît. Nous sortions des vendanges, nous étions sales, pleines de sucre et de terre. Il nous accueilli avec un grand sourire et nous proposa de revenir le lendemain soir. Très heureuses de cette première approche nous repartions satisfaites.

 

Nous revenons le lendemain après une bonne douche. La bonne odeur de chai embaume la salle. On s’y sent bien. A peine assises, le bruit de la trancheuse à jambon, et les verres à pied posés sur la table raisonne dans cette belle pièce décorée de pressoirs, barriques et d’une belle table en bois. Ambiance chaleureuse et conviviale.


 

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          Un vigneron autodidacte. 

Alexandre fonde sa cave à Saillon en 2008 ce qui fait de lui un des plus récents domaines du Valais. Il s’est formé à la haute école de viticulture et d’œnologie de Changins (Suisse). 

 

Il descend d’une famille d’amateurs de vin mais non liés professionnellement avec cet univers. Cependant, très tôt ces parents ont remarqué l’odorat très développé d’Alexandre, parce qu’il arrivait du couloir de leur maison à sentir les tablettes de chocolats que sa mère venait d’acheter et rangeait dans leur cuisine.

 

Après ces études, il se forme avec Nicolas Zufferey (Cave des Bernunes) et avec un mandataire indépendant travaillant pour Provin. En même temps il achète petit à petit des vignes, et réussit à acquérir de belles parcelles en terrasses, pour la majorité situé à Fully, terroir d’exception.

 

Pourquoi Cave des Amandiers ? En homme humain et modeste, il a préféré la sonorité poétique des amandiers, arbre qui sillonne le village plutôt que d’y apposer son nom.

 

          Une topographie de terrain difficile

Alexandre possède 8 hectares de vignes répartis sur plus de 200 parcelles achetées à 70 propriétaires différents. 80% de ces vignes sont cultivé en terrasses.

 

La topographie rend le travail difficile. Ici il n'y a pas d’accès direct aux routes et le travail est physique.

Je pense particulièrement à celle des combes de l’enfer. Un amphithéâtre qui plonge sur plus de 200 mètres de dénivelé.(cf photo) . Les côteaux escarpés n'autorisent pas la mécanisation du lieu, pour le bonheur de nos yeux mais pour la sueur des travailleurs.

La main d'œuvre demandée est gourmande. Ce type de terrain demande 3 fois plus de temps et de travail que des vignes de plaine. Il nécessite 1 personne/ ha, ce qui est énorme. A titre de comparaison, c’est le fameux vignoble de Côte Rôtie ou d’autres grands bourguignons qui se le permettent.   

Pendant que nous étions à table à partager des spécialités locales comme le sérac (fromage au petit lait de vache) et la viande séchée accompagnée de ces beaux vins, Alexandre nous fit part de sa troisième difficile année de conversion en bio. Il porte intérêt à ce mode de pratique agricole mais regrette la difficulté de terrain non mécanisé. Les coûts de production grossissent rapidement et la cave perd rapidement en rentabilité.

 

Même si la Suisse possède l’un des salaires les plus élevés au monde, les coûts de production reflètent leur niveau de vie. Ils sont très chers. Pourtant en Suisse, les salaires agricoles sont nettement plus bas que la moyenne salariale. Bref, vous l’aurez compris, le bio c’est bien mais sur des paysages comme tel le dilemme est présent.

 

     

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Autour de la table, Alexandre nous offre une belle leçon de vie. Il est conscient que gagner sa vie grâce à son travail est primordial, mais il n’est pas avide d’argent. Ce n’est pas la célébrité qui le motive mais il aspire, dans la simplicité à un équilibre financier, à faire des vins qui le font vibrer et à apporter un confort de vie à ses collaborateurs.

Sa plus grande richesse est la terre, rien n’est plus beau que de la travailler, en tirer sa meilleure expression. Cette discussion nous ramène à l’essentiel, travailler notre terre nourricière. 

Malgré ces difficultés, Alexandre ne perd jamais son cap. Conscient de la beauté de son terroir, il tient à valoriser et exprimer les cépages emblématiques de la région.

 

La petite Arvine, cépage emblématique de Fully, était presque au bord de l’extinction dans les années 90. Préservée dans ce village, elle est passée de 6 hectares et a pu être replantée à plus de 240 hectares. Fully hérite de ce cépage et s’inscrit dans le patrimoine et l’histoire du village. 

 

Lorsque je me rappellerai d’Alexandre, je le verrai avec son t-shirt petite arvine 2022, un salon auquel il avait participé la veille. Ce cépage qu'il affectionne particulièrement me ramènera forcément à son travail, à l’histoire de Fully et à l’expression qu’il émet dans ces vins.

Alexandre travail aussi le cornalin, le savagnin blanc, l’humagne rouge, la syrah, le gamay.  En termes de vinification il expérimente et crée son univers. Il vinifie en cuve inox, en barrique, en jarre de verre. Il cherche et veut atteindre l’excellence qualitative.

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Mes coups de cœur de la dégustation ont été l’Ermitage de Fully, dit Ermitage car élaboré avec le cépage roi de l’appellation française, la marsanne. Cépage que j’ai connu lors de ma formation à Suze la Rousse. Il exprimait un nez de liqueur de framboise flagrant. Douce odeur qui me plaît.

 

Ma deuxième découverte est le cornalin. Au premier nez je reconnu la Syrah, avec ce fond d’épice notable dans le verre mais tout de suite Alexandre me corrige pour m’indiquer le cornalin. Cépage que je ne connaissais pas. Au nez nous avons la réglisse noire et la framboise, ces tanins sont veloutés.

 

Zoé à elle adoré le Heida (savagnin) pour ses notes de noix, légèrement oxydatives et son côté gourmand, beurré. Connu dans le Jura, le savagnin entre dans la composition du vin jaune.

A mes yeux, la philosophie d’Alexandre et son travail font de ce jeune vigneron une étoile montante des vins du Valais. Cette pensée nous a été confirmée par trois français en stage/poste à la cave, qui ont choisi de travailler chez lui après avoir entendu parler de son côté humain et de l’autonomie et la confiance qu’il pouvait leur laisser.

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